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Auchan accroche son enseigne en Inde

 

Les Echos, 8 octobre 2012

Dès cette semaine, cinq hypermarchés à l'enseigne Max vont passer sous celle d'Auchan. Le distributeur français a passé un accord de franchise avec un groupe indien et prend ainsi de vitesse les autres grands distributeurs internationaux au moment où l'Inde ouvre son marché.


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« A la fin de cette semaine, nos quatre magasins de Bangalore et celui de la ville voisine de Mangalore vont passer sous l'enseigne Auchan », annonce aux « Echos » Viney Singh, directeur général de Max Hypermarkets, le distributeur indien avec qui le groupe français a signé en août un accord de franchise. Max compte transformer en Auchan ses huit autres magasins d'ici à la fin novembre. Dans la grande tradition indienne, le changement d'enseigne des magasins du Karnataka (Bangalore et Mangalore) intervient juste avant la fête de Dussehra, très importante dans cet Etat du Sud. Celui des autres grandes surfaces aura lieu un peu avant Diwali, la grande fête hindoue. Des périodes considérées à la fois comme bénéfiques et... propices au commerce.

« Nous allons ouvrir quatre ou cinq nouveaux magasins Auchan d'ici à la fin de l'année fiscale [à fin mars, NDLR] et ensuite de dix à douze hypermarchés chaque année », ajoute Viney Singh. François Arpels, directeur général de Bryan Garnier, qui conseille le groupe pour son arrivée en Inde, évoque même l'ouverture de 65 magasins en trois ans. « Auchan a une énorme expérience en France, en Russie et en Chine, nous en attendons des transferts de compétences dans la logistique, la chaîne d'approvisionnement, les achats, les marques propres, etc. », souligne le directeur général de Max Hypermarkets.

L'enseigne française apparaît en Inde moins d'un mois après que le gouvernement a décidé d'autoriser les professionnels étrangers à opérer dans le pays, à hauteur de 51 % au maximum de leur société locale. Mais l'accord Auchan-Max, qui remonte à l'été dernier, ne prévoit pas l'entrée du groupe français au capital de son partenaire. Pour autant, indique Viney Singh, « lorsque nous étions en négociations avec Auchan, nous avons décidé que, si la possibilité d'investissements étrangers s'ouvrait, nous en discuterions ». Des évolutions de l'accord entre les deux groupes sont donc possibles à terme, d'autant qu'Auchan préfère en général contrôler ses opérations à l'étranger.

Des ambitions se réveillent

Le premier Auchan à Mangalore (photo Max Hypermarkets)

Le distributeur français arrive sur le marché indien à un moment crucial. Il y a de nombreuses années en effet que ce marché de 1,2 milliard d'habitants au considérable potentiel de croissance excite la convoitise des distributeurs internationaux. Mais il leur était jusqu'ici strictement interdit d'y venir en direct, sauf comme grossiste pour faire du « cash & carry ». La levée de cet interdit, même si elle s'accompagne de conditions difficiles à respecter (lire ci-dessous), va inévitablement relancer les spéculations sur les intentions des uns et des autres.

En première ligne, le géant américain Wal-Mart clame haut et fort qu'il déposera un dossier d'investissement dans les prochaines semaines. Le numéro un mondial du secteur s'appuiera sans doute sur le groupe Bharti et ses 200 supers et hypermarchés à qui il fournit déjà des prestations de services. Le britannique Tesco, qui a un accord avec les magasins Trent du groupe Tata, pourrait également se lancer. En proie à une conjoncture difficile sur son marché domestique au Royaume-Uni, il est cependant demeuré très discret jusqu'ici sur ses intentions en Inde.

C'est le cas également du français Carrefour. Présent dans le pays depuis des années, contrairement à Auchan, il ne dispose que de deux magasins de gros et va en ouvrir deux autres avant la fin 2012. En revanche, le groupe n'a pas de partenaire désigné. A ce stade, il se refuse à tout commentaire sur sa position en Inde. Les milieux professionnels estiment néanmoins que le français a eu le temps de nouer des relations avec de nombreux intervenants indiens et pourrait négocier rapidement une alliance.

Future Group, le numéro un indien du secteur, est souvent considéré comme le partenaire le plus probable de Carrefour. Mais, interrogé par « Les Echos », Rakesh Biyani, directeur général de la branche distribution du groupe, affirme qu'il n'y a « pas de discussion en ce moment précis » avec Carrefour, même si Future sera « heureux de discuter avec tout le monde ». Encore faut-il que le groupe français, qui affronte de sérieuses difficultés sur le marché domestique, soit en position de prendre une décision stratégique d'investissement en Inde.

PATRICK DE JACQUELOT,
CORRESPONDANT À NEW DELHI

Les conditions de l'ouverture du marché indien

Le feu vert de New Delhi aux distributeurs étrangers est assorti de conditions sévères pour tenter de désamorcer la forte hostilité que suscite cette initiative.

Obligation de trouver un partenaire 
La participation des groupes étrangers dans la distribution multimarque (hypermarchés, grands magasins...) est plafonnée à 51 %. Il faut donc un partenaire indien. Aucun accord n'a déjà été signé, mais certains acteurs étrangers ont des partenaires « naturels » avec qui ils travaillent déjà : Wal-Mart avec Bharti, Tesco avec le groupe Tata, etc.

Les commerces indépendants ne veulent pas se laisser faire

Souveraineté de chaque Etat de l'Inde
La décision du gouvernement central crée un cadre réglementaire, mais chaque Etat de la fédération indienne demeure libre d'accepter ou de refuser les investissements directs étrangers (IDE) dans la grande distribution. Une dizaine d'Etats et de territoires ont donné leur accord, une vingtaine sont hostiles ou indécis. Cela pose de nombreux problèmes. En premier lieu, cela limite les économies d'échelle. Ensuite, un distributeur indien existant, qui veut accueillir un partenaire étranger, devra se découper en deux entités, regroupant ses opérations dans les Etats pour ou contre les IDE. En outre, que se passera-t-il en cas de changement de majorité dans un Etat ? Les experts indiens affirment qu'un nouveau gouvernement local hostile aux IDE ne pourra pas annuler les opérations existantes. En revanche, souligne Harsh Bahadur, consultant spécialisé dans la grande distribution, « il peut y avoir un gel des licences. Or, si vous avez lancé un programme dans un Etat en ouvrant cinq magasins, et qu'il vous en faut trente pour gagner de l'argent, vous risquez d'être bloqué ».

Implantation limitée aux villes de plus de 1 million d'habitants
Cette condition ne semble pas trop contraignante, d'autant, se félicite un professionnel français, que cela inclut une zone de 10 kilomètres autour des villes, ce qui facilitera la recherche de terrains, problème majeur en Inde.

Obligation d'investir au moins 100 millions de dollars, dont la moitié dans la logistique et l'approvisionnement
Cela ne semble pas un problème pour les grands distributeurs. Mais cela peut bloquer en revanche les chaînes multimarques spécialisées dans l'électronique, les produits de beauté, etc.

Obligation de s'approvisionner au moins à 30 % auprès de PME indiennes
Celles-ci sont définies comme ayant des investissements inférieurs à 1 million de dollars. C'est le point qui inquiète le plus. « Ca va être très compliqué », affirme François Arpels, conseiller d'Auchan pour l'Inde, qui souligne néanmoins que, dès qu'une PME recevra des commandes d'un grand distributeur, ça la fera grossir... et donc sortir de la catégorie PME.

P. DE J


La distribution monomarque bénéficie d'une réglementation très assouplie

Les boutiques consacrées à une marque ne sont plus contraintes de s'approvisionner auprès de PME indiennes.

Dans la distribution monomarque (magasins Levi's, Hermès, Celio, etc.) aussi, le gouvernement vient de prendre des décisions très importantes. En fait, souligne Sumit Khosla, directeur général pour l'Inde d'Accuracy, « le tollé autour de la grande distribution multimarque a permis de faire passer comme une lettre à la poste la réforme très positive du monomarque ».

Quand le gouvernement indien a autorisé en janvier dernier les distributeurs étrangers à détenir jusqu'à 100 % (au lieu de 51 % jusque-là) de leurs boutiques en Inde, il avait fixé une obligation d'approvisionnement de 30 % auprès des PME indiennes, la même qu'il impose aujourd'hui à la grande distribution. De nombreux distributeurs avaient répondu qu'ils ne pouvaient s'approvisionner auprès de toutes petites entreprises locales. Le gouvernement vient donc de supprimer l'obligation d'acheter à des PME, conservant en revanche celle de 30 % d'approvisionnements en Inde.

Un assouplissement fait sur mesure pour Ikea qui va pouvoir lancer son plan d'investissement de 1,5 milliard d'euros ici. Mais la contrainte de 30 % d'achats en Inde reste un problème pour certaines spécialités.

« Le tollé autour de la grande distribution a permis de faire passer comme une lettre à la poste la réforme très positive de la distribution monomarque. »
SUMIT KHOSLA,
DIRECTEUR GÉNÉRAL POUR L’INDE D’ACCURACY

 

Loin de la Provence...

« L'Occitane fabrique 100 % en Provence, souligne Guillaume Geslin, directeur général en Inde du groupe de produits de beauté, acheter 1 % ici ce serait déjà difficile ! » Même son de cloche chez un distributeur de montres de luxe : « Nous vendons du 100 % suisse, nous allons demander aux autorités indiennes une exception en notre faveur. »

Deuxième assouplissement : l'Inde n'exige plus désormais que la société étrangère investissant ici soit propriétaire de la marque. Une obligation qui bloquait les projets où la maison mère voulait confier à une filiale le développement d'opérations en Inde, comme pour la marque de luxe Massimo Dutti ou le groupe français d'habillement Promod.

L'e-commerce reste indien

Ces nouvelles règles devraient permettre à des distributeurs étrangers présents à 51 % au maximum de passer à 100 %. Ce pourrait être le cas de Celio, actuellement en joint-venture à 50-50 (plus une action pour Celio) avec l'indien Future Group. Rakesh Biyani, directeur général de la branche distribution de ce dernier, affirme aux « Echos » qu'il serait « naturel que Celio veuille augmenter son pourcentage et nous les soutiendrons » dans cette démarche. Le distributeur français ne commente pas.

Une mauvaise nouvelle, toutefois, pour le monomarque : la décision des autorités indiennes d'interdire les investissements étrangers dans l'e-commerce (valable également pour le multimarque). « C'est un coup dur, affirme Sumit Khosla, l'e-commerce jouait un rôle très important dans tous les "business plans" des distributeurs. »

P. DE J.

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