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Portfolio : Kanpur, la gloire disparue de l'industrie textile indienne


Thèmes: Economie - Business

Asialyst, 6 avril 2016

Plongée dans l'usine fantôme de Kanpur. L'Inde se rêve en puissance industrielle mais connaît aussi une forme de désindustrialisation.

Patrick de Jacquelot

L’Inde, qui se rêve aujourd’hui en grande puissance industrielle du XXIème siècle, doit simultanément affronter un phénomène de désindustrialisation. Les spectaculaires vestiges des usines textiles de Kanpur, dans l’Uttar Pradesh, témoignent des grandeurs passées de l’Inde coloniale, balayées par des décennies de négligence et d’absence d’investissements.

 

 

 


Contexte

C’est un petit morceau des grandeurs de l’ex-Empire britannique préservé (presque) intact : Kanpur, à 80 kilomètres de Lucknow, la capitale de l’Etat géant de l’Uttar Pradesh au nord de l’Inde, est le siège des immenses bâtiments de la Cawnpore Woollen Mills. Celle-ci est un établissement de la British India Corporation Ltd, comme le proclame fièrement le fronton de l’usine alors même que l’entreprise appartient depuis longtemps à l’Etat indien… Kanpur – nom que les Anglais orthographiaient Cawnpore – a longtemps été connue comme le « Manchester de l’Orient », c’est-à-dire la capitale du textile dans l’empire des Indes. Il y a encore cinquante ans, la ville comptait 14 usines textiles employant chacune de 5 000 à 10 000 ouvriers. La Cawnpore Woollen Mills est l’un des plus beaux vestiges de cette période depuis longtemps révolue.

La Cawnpore Woollen Mills à Kanpur dans l'Uttar Pradesh au nord de l'Inde. Cette usine textile aussi imposante qu'une cathédrale s'élève en plein centre de la ville. (Crédits : Patrick et Véronique de Jacquelot)

Située au cœur de cette ville de 3 millions d’habitants, l’usine déploie ses immenses bâtiments de brique rouge, chef-d’œuvre de l’architecture industrielle de la fin du XIXe siècle. Les façades ouvragées, la tour d’horloge façon Big Ben, les arcades ciselées évoquent une prospérité jadis insolente. Mais les vitres brisées et le silence pesant montrent qu’on est désormais en présence d’une usine fantôme. A l’intérieur, quelques dirigeants ressassent les heures de gloire de l’entreprise : quand elle produisait les meilleurs lainages du pays, fabriquait les uniformes de l’armée, comptait 6 500 ouvriers sur ce site. Aujourd’hui nationalisée, la Cawnpore Woollen Mills emploie toujours 1 000 personnes mais… ne produit plus rien depuis des années. Ses halls alignent des machines textiles vieilles de plusieurs décennies. « Mais nous les entretenons soigneusement et nous pouvons les redémarrer quand on veut ! », expliquent ses responsables qui font semblant d’y croire. Ruinée par la mauvaise gestion et l’absence d’investissements, l’usine pourrait très bien connaître une nouvelle jeunesse, affirment-ils, pour peu qu’on y réinjecte un peu d’argent.

Or, justement, la Cawnpore Woollen Mills est assise sur une mine d’or : ses immenses terrains situés en centre-ville – le shopping mall le plus moderne de Kanpur est à quelques centaines de mètres de là ! De quoi alimenter tous les fantasmes des salariés de l’usine : il suffirait de vendre une partie des terrains et tout deviendrait possible…

Dans la réalité, personne ne croit vraiment à une remise à flots de ce vaisseau fantôme et à sa capacité à produire de nouveau des textiles vendables sur un marché hyperconcurrentiel. Après des années de tergiversations, le gouvernement indien envisage désormais de vendre les entreprises publiques non rentables. Le sujet étant socialement et politiquement explosif, l’affaire pourrait prendre longtemps. Mais si une opération immobilière se fera sans doute un jour sur les débris de la Cawnpore Woollen Mills, ce ne sera sûrement pas pour relancer la production textile locale…

Un photo-reportage réalisé par Patrick et Véronique de Jacquelot à Kanpur, en 2014.

Voir le photo-reportage sur Asialyst et sur frenchjournalist.com.


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