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Les enchères pour la 3G mobile en Inde ont crevé les plafonds

 

Thèmes: Business

La Tribune, 20 mai 2010

Les grands opérateurs, qui vont DÉPENSER PLUS DE 2 MILLIARDS D’EUROS CHACUN pour des licences ne couvrant même pas tout le pays, vont se retrouver soumis à d’intenses pressions financières.

TRENTE-QUATRE JOURNÉES d’enchères ininterrompues, 183 tours de piste : c’est ce qu’il aura fallu pour mener à bien la vente des licences pour la téléphonie 3G que se disputaient neuf opérateurs télécoms indiens. Mais le chiffre le plus spectaculaire est celui du résultat final : près de 12 milliards d’euros pour l’État indien, le double des attentes les plus optimistes.

L’élément le plus frappant des résultats annoncés mercredi est peut-être que pas un seul opérateur n’a pu obtenir une licence nationale pour la 3G, cette technologie qui permet d’acheminer les services à haut débit sur les téléphones mobiles. Les licences étaient proposées individuellement pour les 22 régions télécoms et en dépit de leurs efforts, aucun opérateur n’a pu en obtenir partout. Bharti Airtel, Vodafone et Reliance, les trois principaux acteurs du mobile en Inde, sont les vainqueurs des deux batailles les plus acharnées, celles de Delhi et de Bombay, puisqu’ils ont emporté les trois licences en jeu dans ces deux villes.

Mais Bharti Airtel, leader actuel du marché, n’aura pas de licence 3G dans des États aussi importants que le Maharashtra (État de Bombay) et le Gujarat. Vodafone, présent dans tous ces territoires, ne sera pas dans l’État de Bangalore... Et chacun devra malgré tout débourser plus de 2 milliards d’euros. Célébrant sa « victoire » dans un communiqué amer, Bharti Airtel a affirmé mercredi soir que les prix atteints « ont dépassé les niveaux raisonnables ».

CLIENTS SOPHISTIQUÉS

Pourquoi de telles surenchères ? Les gagnants ont décidé qu’ils ne pouvaient prendre le risque d’être exclus de la 3G. Alors que la téléphonie mobile, en croissance exponentielle avec environ 600 millions d’abonnés (584 millions au 31 mars), vise désormais le monde rural, la recette mensuelle par usager (appelée Arpu dans le jargon) s’effondre. Les opérateurs veulent donc conserver les clients sophistiqués des grandes villes, dans l’espoir de leur offrir des services rémunérateurs pour contrecarrer cette tendance. En outre, la 3G est aussi un excellent vecteur pour les services vocaux classiques, pour lesquels les fréquences manquent cruellement.

La téléphonie mobile est désormais quasi universelle dans les villes

Reste qu’il va falloir maintenant payer des milliards d’euros à l’État, bien content de cette recette inespérée pour traiter son déficit budgétaire. Le choc va être rude. « Bien sûr, expliquait à la veille du résultat Kunal Bajaj, patron pour l’Inde du cabinet de conseil high-tech Analysys Mason, ils ne vont pas faire faillite : Bharti Airtel a de bons cash-flows, Tata a l’appui de DoCoMo... Mais ils vont être soumis à une pression terrible sur leurs résultats. »

D’autant que l’affaire ne s’arrête pas là. L’autorité de tutelle des télécoms envisage d’appliquer aux grands opérateurs une contribution rétroactive sur leurs licences 2G, calculée sur la base des prix de la 3G... Et dans 48 heures vont démarrer les enchères WiMax (très haut débit mobile de courte portée), auxquelles les mêmes groupes sont candidats.

REBATTRE LES CARTES

Autre question : les opérateurs publics de télécoms que sont BSNL et MTNL ont reçu voici dix-huit mois une licence 3G gratuite... jusqu’à la conclusion des enchères. Désormais, ils vont devoir payer le prix le plus élevé dégagé ce mercredi. À moins que l’État ne modifie les règles pour les dégager de cette obligation mortelle.

Ces enchères vont sans doute contribuer à rebattre les cartes du marché indien des télécoms, hyper compétitif avec une quinzaine d’opérateurs et des tarifs en chute libre. Une vague de fusions serait logique... sauf que les règles en place les rendent très difficiles. On comprend mieux pourquoi Vodafone, l’un des grands « gagnants » de ces enchères, a annoncé mardi avoir passé une provision de 2,3 milliards de livres sur ses activités en Inde...

PATRICK DE JACQUELOT, À NEW DELHI

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