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Un viol qui expose les fractures de la société indienne

 

Thèmes: Société

Les Echos, 9 janvier 2013

L'indignation suscitée par l'assassinat d'une jeune fille de Delhi est loin d'être unanime.

Patrick de Jacquelot
Correspondant à New Delhi

Plus de trois semaines après les faits, l'émotion engendrée en Inde par le viol collectif infligé à une jeune fille de New Delhi ne retombe pas. Accompagnée d'actes de barbarie, l'agression commise par six hommes a provoqué la mort de la victime voici une dizaine de jours. Alors même que de telles affaires sont relativement banales en Inde et passent généralement inaperçues, celle-ci a suscité une explosion de colère très inhabituelle. Après d'importantes manifestations au coeur de la capitale, les derniers incidents ont eu lieu lundi lors de l'ouverture - exceptionnellement rapide - du processus judiciaire. La tension s'est révélée extrême dans le tribunal, un certain nombre d'avocats s'opposant par exemple à ce que les accusés bénéficient des services de défenseurs ! Le huis clos a dû être imposé au procès, dont la deuxième séance se déroulera jeudi.

Très vive, l'émotion ne concerne en fait qu'une partie de la population : les classes moyennes urbanisées, les étudiants, les intellectuels clament leur exaspération envers l'indifférence habituelle des autorités vis-à-vis des crimes sexuels, la mauvaise volonté de la police à s'en occuper et l'emprise demeurée largement intacte de la vision traditionnelle de la femme dans une société extrêmement machiste.

A contrario, les éléments conservateurs de la société ne partagent nullement la mobilisation contre le viol. Il n'a pas manqué, ces derniers jours, de voix pour en minimiser la gravité ou lancer des variations sur le thème « ces jeunes femmes "modernes" qui sortent le soir n'ont que ce qu'elles méritent ».

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Un gourou connu en Inde n'a pas hésité à affirmer que la jeune femme était « aussi coupable » que les six hommes, tandis qu'un leader du mouvement hindouiste a prétendu contre toute évidence que c'est dans l'Inde moderne que l'on viole, non pas dans l'Inde traditionnelle.

Les populations qui se mobilisent ressemblent fort, en l'occurrence, à celles qui ont fourni le gros des troupes des grands rassemblements anticorruption qui ont eu lieu voici tout juste un an. Même si les problèmes sont très différents, il s'agit dans les deux cas d'exprimer un ras-le-bol contre un pouvoir perçu comme détaché des réalités et incapable de s'attaquer aux vrais problèmes. D'où la nervosité du gouvernement, initialement pris de court par l'ampleur du mouvement populaire.

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