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Modi tente de relancer l'économie indienne sans faire déraper le déficit


Les Echos, 11 juillet 2014

Pour son budget, le nouveau gouvernement cherche une voie entre soutien de l'économie et maîtrise du déficit public. Les privatisations vont s'accélérer.

Par Patrick de Jacquelot
— Correspondant à New Delhi

Remettre l'économie indienne sur les rails tout en tenant compte d'une situation budgétaire dégradée : c'est l'exercice périlleux auquel s'est livré le gouvernement de Narendra Modi, jeudi 10 juillet, à l'occasion de la présentation de son premier budget depuis son arrivée au pouvoir en mai dernier.

Soulignant que c'est « l'exaspération » du peuple vis-à-vis de l'immobilisme économique qui est à l'origine de la victoire du parti hindouiste nationaliste BJP au printemps, Arun Jaitley, ministre des Finances, a présenté un budget rectificatif pour le reste de l'exercice 2014-2015 (du 1er avril au 31 mars) qui ambitionne de remettre le pays sur la voie de la croissance. Après deux années de suite en dessous de 5 % de croissance annuelle, le nouveau gouvernement veut revenir dans la zone des 7 % à 8 % d'ici trois à quatre ans. Une ambition jugée plausible par les économistes mais qui demeure très en retrait des plus de 9 % enregistrés à plusieurs reprises dans les années 2000.

La difficulté pour le gouvernement, c'est la situation des finances publiques. Alors que tout le monde s'attendait à ce qu'il lâche un peu de lest, Arun Jaitley a annoncé qu'il conservait l'objectif défini précédemment d'un retour du déficit public à 4,1 % du PIB (contre 4,6 % en 2013-2014), avant d'arriver à 3 % en 2016-2017. Un objectif qu'il a qualifié « d'extrêmement difficile » : de fait, près de la moitié du déficit annuel prévisionnel a déjà été atteint sur les deux premiers mois de l'exercice en cours…

Restaurer la confiance des investisseurs

Besoin d'IDE...

En outre, pour stimuler l'activité, le budget prévoit des mesures pour les investissements dans les infrastructures, l'énergie, l'immobilier, l'agriculture, etc. Afin de restaurer la confiance des investisseurs, le ministre des Finances s'est engagé à ne pas recourir en temps normal à des taxations rétroactives. Le conflit qui oppose depuis des années l'opérateur télécoms britannique Vodafone au gouvernement indien, qui n'avait pas hésité à changer la loi fiscale avec effet rétroactif sur des dizaines d'années après avoir perdu tous ses recours devant la Cour suprême, a fortement dégradé l'image de l'Inde dans l'esprit des investisseurs. Arun Jaitley n'a cependant pas décidé d'annuler la loi rétroactive qui avait été passée par le gouvernement précédent.

Côté recettes, le gouvernement va relancer le projet de système national d'impôt indirect, sorte de TVA unifiée à l'échelle de l'Inde. En discussion depuis des années, cette GST (Goods and Services Tax) est susceptible de stimuler fortement l'activité en créant un véritable marché unique intérieur, mais se heurte à l'hostilité des Etats, qui craignent pour leur autonomie fiscale. Arun Jaitley a assuré qu'une solution serait trouvée d'ici à la fin de l'année.

Pour boucler son budget, le gouvernement mise sur une multiplication par quatre des privatisations par rapport à l'exercice précédent. Les trois agences de notation Fitch, S & P et Moody’s se sont malgré tout interrogées, hier, sur la façon dont le gouvernement réussira à effectivement réduire son déficit.

Globalement séduits par le discours pro-investissement du ministre, mais regrettant l'imprécision de certaines annonces, les marchés ont oscillé pendant la journée entre hausses et baisses avant de conclure en très léger repli.

 

Pas d'argent frais pour le Rafale

L'achat de matériel à l'étranger n'est pas une priorité cette année. Les investisseurs sont en revanche incités à s'implanter davantage en Inde.

En maquette ou en virtuel, plein de Rafale sont déjà en Inde...

Le nouveau budget était très attendu par les industriels français de l'armement qui espéraient y voir une forte augmentation du budget d'équipement de l'armée de l'air indienne, correspondant à la signature du contrat d'achat de 126 avions Rafale. Ce n'est a priori pas le cas. Le budget de la Défense a bien été augmenté de 600 millions d'euros environ, mais avec des affectations différentes, dont les dépenses de recherche et développement et les infrastructures ferroviaires le long des frontières. On ne voit pas « où l'armée de l'air pourrait trouver l'argent » pour payer le premier acompte des Rafale, estime Ajai Shukla, l'un des spécialistes indiens de la Défense les plus réputés et chroniqueur au « Business Standard ».

Un projet pas abandonné

Cela ne veut pas dire que l'Inde a renoncé à ce contrat clef pour la modernisation de son armée de l'air, en négociations depuis plus de deux ans. Les discussions n'étant pas terminées, l'Inde mise peut-être sur une conclusion pas avant sept ou huit mois, qui impliquerait un premier versement après le 1er avril 2015, début de la prochaine année budgétaire. Auquel cas les fonds correspondants pourraient figurer dans le prochain budget. Selon Ajai Shukla, malgré tout, « les signes ne sont pas positifs (pour le contrat du Rafale)  : « Il y a un fort engagement à réduire les achats de matériel militaire à l'étranger et à développer la R & D indienne. »

Cette volonté de promouvoir une industrie domestique de la défense se manifeste par une annonce forte effectuée dans le cadre du budget : les investisseurs étrangers seront autorisés à détenir des participations allant jusqu'à 49 % contre 26 % précédemment. De quoi stimuler la production en Inde de matériel étranger, espère le gouvernement, qui n'est pas allé jusqu'à autoriser les groupes étrangers à détenir le contrôle de leur filiale indienne. Dans le même esprit, Arun Jaitley a annoncé une mesure identique dans le secteur de l'assurance, où les groupes étrangers pourront, à l'avenir, détenir 49 % de leurs activités en Inde.

P. de J.

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