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Le textile, un secteur clef pour le développement du Bangladesh

 

Thèmes: International

Les Echos, 24 avril 2014

En fournissant du travail à des millions de femmes non qualifiées, cette industrie est un facteur de progrès social.

Voir les articles Le textile du Bangladesh, un an après le désastre, Sultana, Kavita, Abdul et Cie, dans les bidonvilles du textile au Bangladesh, Le Bangladesh se fait sa place dans le club des émergents et les diaporamas Dans un bidonville des ouvriers du textile, Le textile, entre prospérité et catastrophes et Dacca, une capitale surpeuplée.

Patrick de Jacquelot
— de Dacca (Bangladesh)

Le paradoxe est terrible. Malgré ses salaires dérisoires, malgré l'ampleur de la tragédie du Rana Plaza, l'industrie du textile reste un levier important de progrès social au Bangladesh. « Le secteur de l'habillement était traditionnellement féminin à 100 %, mais de plus en plus d'hommes viennent y travailler en raison des énormes salaires », affirme sur le ton de l'évidence Rokeya Rafique, la directrice de l'ONG Karmojibi Nari.

Enormes les salaires des ouvriers du textile bangladais, qui commencent à 5.300 takas par mois, soit 50 euros ? Oui, confirme-t-elle, « il s'agit de très grosses sommes pour la classe ouvrière » du pays. Rokeya Rafique ne peut être soupçonnée de refléter l'opinion des directeurs d'usine : elle dirige une ONG qui oeuvre à l'émancipation des femmes des milieux déshérités. Pour juger de l'importance d'un salaire, évidemment, tout dépend des références dont on dispose. Et celles du Bangladesh sont terriblement basses. Rokeya Rafique donne une comparaison : une femme qui « travaille à domicile à coudre des boutons sur des blouses à raison de 2 takas par blouse pour 5 blouses par heure ». Un mois de travail à cinquante heures par semaine lui rapporterait 19 euros…

L'aristocratie de la classe ouvrière

Un "vrai travail" pour des millions de femmes

Considéré en Occident comme synonyme d'exploitation et de conditions de travail effroyables, le secteur de la confection est vu différemment par les pauvres du Bangladesh : ceux qui réussissent à trouver une place dans une grande usine (et non pas, bien sûr, chez des sous-traitants de sous-traitants qui ne respectent aucune règle) bénéficient d'un « vrai emploi ». Ils forment, en fait, l'aristocratie de la classe ouvrière. L'aspiration à y travailler est immense. Sultana, seize ans, qui a derrière elle plusieurs années dans le textile, mais ne travaille pas actuellement en raison de problèmes de santé, n'aspire qu'à retourner à l'usine. « Je suis qualifiée, explique-t-elle, je sais opérer une machine à coudre. Quand j'irai mieux, il suffira que j'aille à la porte d'une usine, ils m'embaucheront. »

Rokeya Rafique, directrice de l'ONG Karmojibi Nari

Pour les spécialistes, il est clair que le textile joue un rôle clef dans le développement du Bangladesh. Si le pays a des indicateurs de développement humain meilleurs que des voisins nettement plus « riches », comme l'Inde, c'est notamment parce que le secteur fournit des millions d'emplois à des femmes sans qualification et donc un statut social et professionnel sans équivalent. « Le rôle des femmes est bien plus important ici que dans les autres pays, grâce au microcrédit et à l'industrie de la confection », affirme Hassan Zaman, chef économiste de la banque centrale.

Autant dire que ce qui est en jeu avec la modernisation du secteur à la suite du Rana Plaza, c'est bien le développement du pays tout entier.

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